Mémoire de la matière
Bâches en toile
Tirages grand format
La vérité est dans l'ombre (dicton ancien)
On dit que pour le sculpteur l'œuvre finale est déjà présente dans le bloc de pierre original, qu’il s'agit juste d'aller la chercher. C'est une bonne métaphore pour cette série qui, dans son apparente simplicité, est sans doute la plus complexe de celles que j’ai réalisé.
Au départ, une simple surface éclairée: des grands morceaux de bâche en toile imperméable, ancienne couverture de piscine tombée en disgrâce et utilisée pour protéger des tas de bois chez un paysan du coin. En butte aux éléments, craquelée comme un vieux parchemin, elle s'est transformée en un palimpseste sans cesse effacé et réécrit. J'ai cherché à rendre visible cette trace du temps, à lui donner une forme, une couleur, une épaisseur, à saisir un échantillon de mémoire pour le ramener à la surface.
Le modus operandi a été en tous points celui d’un archéologue sur un chantier de fouilles. A une seule différence près : ici la « zone à creuser » est une simple ombre portée... C’est par cette ombre que tout ce qui auparavant n'était pas visible car "enseveli sous une couche de lumière" réapparait. Ainsi, de façon paradoxale, on cache ce que l’on veut mettre en évidence: l’ombre dévient porte, passage, pour accéder à une réalité autrement invisible à notre regard et la photographie une machine à remonter le temps.
Photos réalisées à la chambre argentique grand format, sans intervention numérique. La couleur de l’ombre est donnée uniquement par l’éclairage. Des images du making-off sont présentées à la fin de la série.